Le 3 février 1944, le Juvénat est envahi par les nazis pour arrêter le Révérend Père Louis Favre. Après des heures d'attente et de stress, il sera arrêté, puis emprisonné pendant plus de 6 mois à la prison du Pax à Annemasse, avant d'être fusillé à Vieugy quelques mois avant la libération.

Extrait du témoignage :
"Le jeudi 3 février 1944, (...) les plus jeunes élèves étaient tranquillement en promenade avec le Père Michel Ticon, tandis que les grands, sous la conduite du Père François Favrat, bêchaient l'espalier du jardin, le long du mur-frontière.
À 16h15, nous étions en train de goûter (...) lorsque nous entendîmes soudain des pas gravir bruyamment l'escalier de la chapelle. (...) Le frère Jean-Baptiste Reynard fit irruption dans la salle à manger en s'écriant : "Ils sont dans la maison, armés jusqu'aux dents. (...) Ils sont allés directement dans la chambre du Père Favre ...". (...) Les soldats allemands arrivaient sur nous en criant : "Où est le directeur ?". On leur fit observer que le directeur, le Père Pierre Frontin, se trouvait à Annecy et le sous-directeur, le Père Bréat, à Ambilly. Ainsi, hurle de nouveau le Commandant par le truchement de son interprète : "Il n'y a pas de responsable dans cette maison !" (...).
Alors, dans toute la maison commença une première fouille. (...)
Pendant ce temps, que devenait le Père Louis Favre ? Il surveillait les élèves au réfectoire lorsque les Allemands entrèrent dans la maison (...). Il se réfugia dans les cabinets près de la salle de récréation et, pendant quelques temps, suivant que les pas des traqueurs se rapprochaient ou s'éloignaient, il fit la navette entre cette dernière cachette et la cuisine. Il réussit même, montant par l'escalier du dortoir, à arriver jusque dans sa chambre... puis à redescendre dans celle du Père Favrat, provisoirement vidée de ses occupants. "Avez-vous détruit tous vos papiers compromettants ? lui dit le Père Favrat. "Je crois que oui", répondit-il. (...)
Pour être plus agile, il quitta sa soutane douillette, ne gardant qu'un léger pull-over sans manches. (...) Dès lors, le Père Favre se réfugia de nouveau dans les cabinets et, ouvrant habilement la porte derrière laquelle il se tenait plaqué, il échappa par deux fois aux perquisiteurs accompagnés de leurs chiens. (...)
À 19h15, les soldats allemands ordonnèrent le rassemblement immédiat de tout le personnel de la maison en salle commune pour y être interrogé.
Les heures passaient. Dix heures (22h) ! Et le Père Favre était toujours introuvable ! Le "Herr Komissar" devenait de plus en plus exaspéré et nous appréhendions le pire pour toute la maison. (...)
Soudain, à 22h50, ce furent les hurlements de la curée... "Gefunden... Gefunden !" Trouvé, trouvé ! Et tous les occupants de la maison se précipitèrent du côté de la salle d'étude avec, heureusement, le frère Jean-Baptiste qui nous servira de témoin. Par quatre heures de stationnement, en manches de chemise, dans un cabinet glacial, désespéré, peut-être prolongeait-il une lutte qu'il savait sans issue, peut-être aussi par un motif supérieur de charité pour ses confrères et la maison.
Le Père Favre, qui avait voulu sans doute se chauffer au radiateur brûlant de la salle de récréation, n'esquissa même pas un geste de fuite alors qu'il pouvait entendre, depuis un moment, les pas et les cris qui se rapprochaient. Et c'est là, debout dans la salle de récréation, que ses assaillants, surpris et rageurs, le découvrirent. D'un bond, ils l'entourèrent, le fouillèrent brutalement, lui réclamant son revolver, dont ils avaient, disaient-ils, trouvé l'étui dans sa chambre.
Le Père, affreusement pâle, fit signe qu'il ne savait pas ce qu'on voulait dire. Le Commandant alors lui signifia par l'interprète qu'au moindre geste pour s'enfuir, il serait fusillé sur le champ. Puis, encadrant le prévenu, toute la meute revint en salle commune, ouvrit violemment la porte tandis que le Père était littéralement projeté au milieu de la salle. "Voilà l'homme !" hurla le Commandant avec un accent certainement plus triomphal que celui de Pilate. "Le reconnaissez-vous ?". Avant même que ses confrères, les sœurs et le Frère Raymond eussent tenté une réponse, le Père Favre, blême, les cheveux en désordre, se tourna brusquement vers ses geôliers en criant : "Oui, c'est moi !".
Ce fut fini ce jour-là. Toute la maison fut autorisée à disposer librement. Quant au Père Favre, il fut autorisé à passer dans sa chambre et à prendre quelques habits. (...)
Le Commandant ferma lui-même la porte et emporta la clé, menaçant de fusiller quiconque essaierait de pénétrer dans cette chambre.
Et la soirée, si avancée déjà et si pleine d'angoisse, s'acheva pour nous dans un surcroît d'inquiétude, d'autant plus grande que le Père Favrat était emmené lui aussi avec le Père Favre (...).

*Précisément, la troupe SS qui a investi le Juvénat se composait d'une vingtaine de douaniers allemands, le capitaine Rogenstein assisté de deux sous-officiers nommés Lehmann et Engelard, une agente allemande et un interprète.
**Extrait du témoignage manuscrit du Père Gilbert Pernoud en 1946 sur la perquisition et l'arrestation du Père Louis Favre le 3 février 1944. (source : archives privées MSFS)."
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